Le samedi 13 mars 2002, le Souverain Pontife Jean-Paul II a adressé le discours suivant aux participants de l’Assemblée Plénière du Conseil Pontifical de la Culture
Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis,
1. Je suis heureux de vous accueillir, au terme de l’Assemblée plénière de votre dicastère au cours de laquelle vous avez voulu repartir de la lettre Novo millennio ineunte pour apporter votre contribution à la mission de l’Église dans le troisième millénaire (cf. n. 40). Votre rencontre coïncide avec le vingtième anniversaire de la création du Conseil pontifical pour la Culture. En rendant grâce pour le travail accompli par les membres et les collaborateurs du Conseil pontifical au cours des vingt années écoulées, j’adresse mes salutations à Monsieur le Cardinal Poupard, le remerciant pour ses aimables paroles qui interprètent vos sentiments à tous.
À vous tous, j’exprime ma reconnaissance pour votre généreuse collaboration au service de la mission universelle du Successeur de Pierre, et je vous encourage à poursuivre, avec un zèle renouvelé, vos relations avec les cultures, pour créer des ponts entre les hommes, pour témoigner du Christ et pour ouvrir nos frères à l’Évangile (cf. Constitution apostolique Pastor Bonus, art. 166-168) ; cela se réalise en effet par un dialogue ouvert avec toutes les personnes de bonne volonté, diverses par leur appartenance et leurs traditions, marquées par leur religion ou leur incroyance, mais toutes unies par la même humanité et appelées à partager la vie du Christ, le Rédempteur de l’homme.
2. La création du Conseil pontifical pour la Culture, visant à « donner à toute l’Église une impulsion commune dans la rencontre sans cesse renouvelée du message de l’Évangile avec la pluralité des cultures, dans la diversité des peuples auxquels il doit porter ses fruits de grâce » (Lettre au Cardinal Casaroli pour la création du Conseil pontifical pour la Culture, 20 mai 1982), s’inscrit dans la droite ligne de la réflexion et des décisions du Concile œcuménique Vatican II. En effet, les Pères avaient fortement souligné la place centrale de la culture dans la vie des hommes et son importance pour la pénétration des valeurs évangéliques, de même que pour la diffusion du message biblique dans les mœurs, les sciences et les arts. Toujours dans ce même esprit, l’union du Conseil pontifical pour le Dialogue avec les Non-Croyants et du Conseil pontifical pour la Culture en un seul Conseil, le 25 mars 1993, avait comme objectif de promouvoir « l’étude du problème de la non-croyance et de l’indifférence religieuse présentes sous des formes variées dans les divers milieux culturels [...], dans le but de fournir une aide adaptée à l’Église pour l’évangélisation des cultures et l’inculturation de l’Évangile » (Motu proprio « Inde a Pontificatus »).
La transmission du message évangélique dans le monde d’aujourd’hui est particulièrement ardue, notamment parce que nos contemporains sont immergés dans des milieux culturels souvent étrangers à toute dimension spirituelle et d’intériorité, dans des situations où dominent des aspects essentiellement matérialistes. Plus sans doute que dans toute autre période de l’histoire, il faut aussi noter une rupture dans le processus de transmission des valeurs morales et religieuses entre les générations, qui conduit à une sorte d’hétérogénéité entre l’Église et le monde contemporain. Dans cette perspective, le Conseil a un rôle particulièrement important d’observatoire, d’une part pour repérer le développement des différentes cultures et les questions anthropologiques qui s’y posent et, d’autre part, pour envisager les relations possibles entre les cultures et la foi chrétienne, de manière à proposer de nouveaux modes d’évangélisation, à partir des attentes de nos contemporains. Il importe en effet de rejoindre les hommes là où ils sont, avec les préoccupations et les interrogations qui sont les leurs, pour leur permettre de découvrir les repères moraux et spirituels nécessaires à toute existence conforme à notre vocation spécifique, et de trouver dans l’appel du Christ l’espérance qui ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5), en prenant appui sur l’expérience même de l’Apôtre Paul à l’Aréopage d’Athènes (cf. Ac 17, 22-34). On le voit, l’attention à la culture permet d’aller le plus loin possible dans la rencontre avec les hommes. C’est donc une médiation privilégiée de la communication et de l’évangélisation.
3. Parmi les plus fortes pierres d’achoppement actuelles, on note les difficultés rencontrées par les familles et par l’institution scolaire, qui ont la lourde tâche de transmettre aux jeunes générations les valeurs humaines, morales et spirituelles qui leur permettront d’êtres des hommes et des femmes soucieux de mener une vie personnelle digne et de s’engager dans la vie sociale. De même, la transmission du message chrétien et des valeurs qui en découlent et qui conduisent à des décisions et à des comportements cohérents constitue un défi que toutes les communautés ecclésiales sont appelées à relever, notamment dans le domaine de la catéchèse et du catéchuménat. D’autres périodes de l’histoire de l’Église, que ce soit par exemple du temps de saint Augustin ou plus récemment au cours du vingtième siècle où l’on a pu enregistrer l’apport de nombreux philosophes chrétiens, nous ont appris à enraciner notre discours et notre façon d’évangéliser sur une saine anthropologie et une saine philosophie. En effet, c’est à partir du moment où la philosophie passe au Christ que l’Évangile peut véritablement commencer à se répandre dans toutes les nations. Il est donc urgent que tous les protagonistes des systèmes éducatifs s’attachent à une étude anthropologique sérieuse, pour rendre compte de ce qu’est l’homme et de ce qui le fait vivre. Les familles ont un grand besoin d’être secondées par des éducateurs qui respectent leurs valeurs et qui les aident à proposer des réflexions sur les questions fondamentales que se posent les jeunes, même si cela semble aller à contre-courant des propositions de la société actuelle. On note que, à toutes les époques, des hommes et des femmes ont su faire resplendir la vérité avec un courage prophétique. Cette même attitude est requise encore de nos jours.
Le phénomène de la mondialisation, devenu aujourd’hui un fait culturel, constitue à la fois une difficulté et une chance. Tout en tendant à niveler les identités spécifiques des différentes communautés et à les réduire parfois à de simples souvenirs folkloriques d’antiques traditions dépouillées de leur signification et de leur valeur culturelle et religieuse originales, ce phénomène permet aussi d’abaisser les barrières entre les cultures et il offre aux personnes la possibilité de se rencontrer et de se connaître ; dans le même temps, il oblige les Dirigeants des Nations et les hommes de bonne volonté à tout mettre en œuvre pour faire en sorte que soit respecté ce qui est propre aux individus et aux cultures, pour garantir le bien des personnes et des peuples, et pour mettre en œuvre la fraternité et la solidarité. La société dans son ensemble est aussi affrontée à de redoutables interrogations sur l’homme et sur son avenir, notamment dans des domaines tels que la bioéthique, l’utilisation des ressources de la planète, les déterminations en matière économique et politique, pour que l’homme soit reconnu dans toute sa dignité et qu’il demeure en permanence un acteur de la société et le critère ultime des décisions sociales. L’Église ne cherche aucunement à se substituer à ceux qui sont chargés de conduire les affaires publiques, mais elle souhaite avoir sa place dans les débats, pour éclairer les consciences à la lumière du sens de l’homme, inscrit dans sa nature même.
4. Il revient au Conseil pontifical pour la Culture de poursuivre son action et d’apporter son concours aux évêques, aux communautés catholiques et à toutes les institutions qui le désirent, de sorte que les chrétiens aient les moyens de témoigner de leur foi et de leur espérance de façon cohérente et responsable, et que tous les hommes de bonne volonté puissent s’engager dans la construction d’une société dans laquelle soit promu l’être intégral de toute personne. L’avenir de l’homme et des cultures, l’annonce de l’Évangile et la vie de l’Église en dépendent.
Puissiez-vous contribuer à une prise de conscience renouvelée de la place de la culture pour l’avenir de l’homme et de la société, ainsi que pour l’évangélisation, afin que l’homme devienne toujours plus libre et use de cette liberté de manière responsable ! Au terme de votre rencontre, confiant votre mission à la Vierge Marie, je vous accorde bien volontiers, ainsi qu’à tous ceux qui collaborent avec vous et à ceux qui vous sont chers, une particulière Bénédiction apostolique.